FILLON TENU EN LAISSE, MAIS ON NE DIRA PAS PAR OÙ
J’ai, une fois n’est pas coutume, joué hier au téléspectateur du soir. Il est vrai que je regarde très peu la télévision tant son contenu m’énerve ou m’endort.
Hier j’ai fait une exception, même si je l’avoue, j’ai un peu triché. J’ai enregistré la fin et l’ai regardée ce matin. Vous l’avez compris, j’ai regardé “Vous avez la parole” sur France2. J’étais curieux d’entendre ce que François Fillon avait à dire. Eh bien je vous le confirme, les extraterrestres se sont posés sur la planète Fillon, et ils sont formels, il n’y a aucune forme de vie. Vous me croirez si vous voulez, mais moi ça m’a étonné.
Fillon dit à qui veut l’entendre qu’il a tourné la page et que la politique c’est désormais derrière lui, que c’est définitif et patin couffin. Alors moi naïf, je me suis dit il va balancer. Ça va être règlement de comptes à Hockey Corral. Eh bien pas du tout. On a vu un Fillon éteint, la voix brisée. On aurait dit freluquet qui aurait confondu la cocaïne avec les somnifères.
Du coup je me suis posé la question qui tue, à savoir quel est le but de l’exercice? Parce que si c’était pour nous tenir le discours de la campagne présidentielle, franchement ça ne valait pas le “prime time”. Alors pourquoi le “prime time”? La seule raison de la proximité du procès relatif aux emplois fictifs ne saurait suffire. À ce moment-là, chaque justiciable pourrait prétendre trois semaines avant un procès public au droit de donner sa version des faits à la télévision, qui plus est, au frais du contribuable. Par conséquent le seul fait que Fillon soit appelé à faire de nouveau l’actualité dans trois semaines ne tient tout simplement pas. Il y a d’autres raisons.
Pour les comprendre, il faut se replonger en 2017. Au mois de janvier 2017, Fillon est en tête dans les sondages et doit de façon mécanique prendre la place de François Hollande à l’Élysée. Tout est prêt pour la vie de château quand patatras, le canard déchaîné sort l’affaire du siècle. J’étais en voyage en Asie du Sud-est à ce moment-là et en regardant de loin cette affaire, j’ai tout simplement éclaté de rire. Parce que franchement, le fait de faire ouvrir le courrier à maman pour gratter le pécule mis à sa disposition par sa qualité de parlementaire pour engager des collaborateurs, tout le monde le fait. Et c’est vraiment ce que j’attendais qu’il dise hier. Comme je crois l’avoir déjà dit, je ne suis nullement dérangé de voir Fillon tomber pour une histoire de détournement d’argent public. S’il a péché, il est normal qu’il soit puni. Ce qui me dérange en revanche davantage, c’est qu’on juge un délinquant non plus en fonction du délit commis, mais en fonction de son nom. En droit pénal, pour qu’il y ait mise en accusation, (en examen si vous préférez), il faut qu’il y ait des preuves ou à défaut des indices graves et concordants d’un délit constitué. Quiconque se rend auteur de ce délit est passible d’une procédure aboutissant à une sanction pénale. Le mot le plus important de la phrase étant, vous l’aurez compris, “quiconque”. Or ce n’est pas ce qui se passe. Le tribunal dira si Fillon a commis le délit pour lequel il est renvoyé. Le Parquet, très efficace dans cette affaire, aurait pu s’intéresser de façon plus générale à ce qui se pratique dans notre beau Parlement. Or si le Parquet a fait preuve d’une célérité hors norme dans le cas de Fillon, il n’a pas été curieux en cherchant, par exemple, d’autres délinquants. Je n’imagine pas en effet que Fillon n’ait pas dit à l’instruction pour sa défense qu’à part le pape, tout le monde le fait. À qui fera-t-on croire que le cas de Fillon est un cas unique? Si l’on ne cherche pas on ne risque pas de trouver.
Si c’était pour nous dire que Penelope avait ouvert le courrier, nous sommes d’accords, ça ne valait pas une émission de télé. Sauf que Fillon était mandaté pour venir dire autre chose. À un mois et demi d’une échéance électorale, il est venu dire que Macron fait exactement la politique qu’il aurait fait à sa place. Il est venu dire pour paraphraser Jacques Duclos, “lui et moi, c’est bonnet blanc et blanc bonnet”.
À qui a profité l’assassinat politique de Fillon? À Macron bien sûr. À qui profite l’émission d’hier soir? de nouveau à Macron. Fillon aurait pu au moins critiquer sur la forme les choix sociétaux du Président. Point du tout! Il a dit deux fois, “je souhaite qu’Emmanuel Macron réussisse”. Du reste, Fillon a eu tôt fait, dès les résultats du premier tour de la présidentielle connus, d’appeler à voter pour sauver la démocratie de la bête immonde. Ses électeurs eux ont voté pour sauver leurs plans d’épargne, mais ça c’est une autre histoire.
En bref, Fillon était en service commandé. contrairement à l’image véhiculée par Fillon jusqu’à ce qu’il soit rattrapé par la patrouille, Fillon n’est qu’un politicien cupide sans âme et sans sentiments. Il aime le pouvoir, le fric et c’est un tueur. Voilà donc un profil aux placards pleins de casseroles qui ne demandent qu’à sortir. Fillon sait que la mafia au pouvoir n’a qu’à appuyer sur un bouton pour faire de lui un grand délinquant. Je peux déjà vous prédire que Fillon sera condamné à une amende et à un peu de sursis. Cela dit je pense que freluquet et sa clique ont de quoi l’envoyer en tôle.
Fillon s’est prêté à un vulgaire exercice de chien en laisse. Sauf que la laisse n’était pas accrochée à un collier lui serrant le cou. À mon avis, la laisse serrait ailleurs. Peut-être est-ce pour cela que la voix avait du mal à sortir.
Jacques Frantz
La laisse serrait sans doute là où notre culture bien française a l’habitude de situer le, ou plutôt les organes du courage, ceux-là même qui vous assurent une voix de tonalité 1 et non 2… mais que chacun se rassure, à l’instar de Pierre Dac, l’honnêté et la décence m’interdisent à moi aussi, de préciser davantage. À bon entendeur…