PRIMAIRES DOUBLE PIÈGE À CONS
Dans mon jeune temps, on avait coutume de dire, “élections piège à cons”. Même si cette affirmation lapidaire (comme tous les slogans) me scandalisait un peu, je dois reconnaître une part de sagesse dans ce slogan. alors pour ajouter de la connerie à la connerie, on a créé les primaires.
Je ne vois aux primaires quasiment que des inconvénients. D’abord elle personnalisent le débat. On n’élit plus le responsable d’un parti, mais une personne. Cette personne sera chargée d’appliquer non pas le programme du parti, mais son propre programme. Elle sera chargée d’appliquer son propre programme en nommant des gens de son parti, anciens concurrents, munis donc d’un programme différent au moment de la primaire, donc chargés de l’application d’un programme qui n’est pas le leur. Vous suivez? Il s’agit donc bien d’un jeu pervers où les adversaires d’un jour deviennent des alliés le lendemain. De surcroît, cela oblige les électeurs d’un parti ou d’une tendance à se révéler par la participation même à ces primaires, ce qui entache le secret du scrutin. Je t’entends déjà belle lectrice me dire que je suis naïf, et qu’on n’a jamais vu un homme politique appliquer le programme sur lequel il a été élu. Par conséquent quelle importance?… Je répondrai que généralement, lorsqu’une mesure du programme est néfaste, elle est toujours rigoureusement appliquée.
Les primaires signifient-elles davantage de démocratie?
C’est un argument qu’on entend souvent. Le fait que ce sont les militants qui choisissent le candidat du parti et non ses instances, constitueraient un gage supplémentaire de démocratie? Je rigole. À l’heure où l’ensemble de la classe politique se méfie comme de la peste de la démocratie directe et de la prise de certaines décisions au suffrage universel direct, elle voudrait nous faire croire que “choisir” entre Juppé ou Sarkozy d’un côté et Montebourg et Hollande de l’autre constituerait une avancée démocratique? Franchement c’est de l’enfumage.
Le scandale dans le scandale est cette primaire à droite (encore faut-il croire que ces gens-là représentent la droite). Je crois qu’on atteint là des sommets de bêtise. Comme d’habitude, la droite institutionnelle est à la remorque des socialistes. Ils organisent une primaire, il faut donc qu’eux aussi, pour donner le change, organisent la leur selon à peu près les mêmes modalités.
C’est d’autant plus ridicule, que la prétendue droite veut ratisser tellement large qu’elle renferme de multiples composantes. Ainsi, nous avons des personnages aussi différents qu’Alain Juppé et Jean-Frédéric Poisson. M. Poisson est un type assez sympathique qui n’a pas nagé en eaux troubles au moment du débat sur le mariage dit pour tous. Or en se jetant tête baissée dans les filets de la primaire, il devient le concurrent direct d’Alain Juppé dont les positions sont à quelque chose près les mêmes que celles d’un Valls ou d’un Macron. Pour ne prendre que les questions sociétales, les positions de Juppé, (tout le monde est d’accord), sont rigoureusement les mêmes que celles de Valls, Hollande ou Macron. Elles sont en tous cas fort opposées à celles de son concurrent aux primaires Poisson. Or en acceptant de se laisser complaisamment prendre dans la nasse des primaires, ledit Poisson en accepte les modalités. Parmi ces modalités il est dit que les perdants feront bloc autour du gagnant durant la campagne présidentielle. Sinon ce n’est pas la peine de participer aux primaires. Par conséquent, si Alain Juppé, (ce qui n’est pas à exclure), remportait les primaires, M. Poisson serait obligé de lui être loyal sinon en faisant campagne pour lui, ou tout au moins en ne faisant pas acte de candidature. C’est là que le Poisson nage en eaux troubles car il va devoir donner des consignes à sa base électorale obtenue aux primaires et il ne pourra pas donner d’autres consignes que de voter Alain Juppé. Et c’est ainsi que le piège se referme. J’imagine bien que M. Poisson est suffisamment intelligent et a pensé à cet écueil. Je pense qu’il a pris le pari de la victoire d’un candidat moins inacceptable, mais c’est un pari risqué. Or notre pays a besoin de visionnaires, pas de parieurs. Voilà pourquoi j’appelle de mes voeux une refonte totale de la droite qui crèverait le plafond de verre entre droite parlementaire et droite nationale où ceux parmi cette dernière qui sont en phase avec nous sur les questions sociétales pourraient rejoindre ce mouvement majoritaire. De ce point de vue, les primaires ne résolvent rien. J’avais publié un article dans ce même blog sur les inconvénients du deuxième tour qui disait en substance que le deuxième tour ne servait qu’à corriger le résultat des élections. Eh bien avec les primaires à deux tours, on a une double élection, et donc un double piège à cons. Les candidats comme Poisson devraient faire attention à ne pas se griller.
Jacques Frantz
P.S. Je demande pardon au lecteur de l’excès de calembours.
Sans compter que l’élection du président de la république (sans majuscules tant ce système ne les mérite pas) au suffrage universel, était déjà une avancée majeure dans le sens de la personnalisation du débat politique, une dérive qui certes sert en partie la tendance monarchiste d(attention je n’ai pas dit « royaliste ») du peuple français, mais aboutit surtout à une élection à l’américaine, fondée sur l’image et le paraître bien plus que sur le conten des programmes. On a fait un pas supplémentaire dans cette mauvaise direction avec l’invention du quinquennat, lequel présidentialise notre régime politique sans les garanties du système américain dans lequel il y a quand même en contre-poids les élections de mi-manda,t au Congrès. Avec les primaires, on atteint le summum de cette folie consistant à copier de préférence ce qui se fait de plus détestable ailleurs. Comme disait, avec raison pour une fois, quelqu’un que pourtant je n’appréciais pas: « Un pour tous… », je vous laisse, sympathique rédacteur et aimable lecteur, dire la suite.
Tout à fait d’accord !