LETTRE OUVERTE À CAROLINE PARMENTIER DANS PRÉSENT DU 22 AOÛT
Madame,
Je fais suite à votre article de Présent du 22 août 2015 publié en une.
J’imagine que je ne dois pas être le seul à réagir à votre article concernant l’exclusion de Jean-Marie Le Pen du Front National dont il est, avec d’autres, le fondateur.
Je comprends votre position qui, si je la résume, consiste à considérer que Marine Le Pen doit être soutenue malgré les multiples imperfections qui commencent sérieusement à troubler les militants et, au-delà, les électeurs.
Je dois dire, d’emblée, que je suis depuis des années un lecteur assidu de vos articles. Abonné depuis quelques années, il m’arrive de ne pas avoir le temps de lire Présent en détail chaque jour. Néanmoins, lorsque je n’ai le temps que de le survoler, je ne manque jamais vos articles. Pour la première fois, je trouve votre article non professionnel et d’assez mauvaise foi.
Je le trouve non professionnel parce que c’est l’écrit d’une militante et non le travail de la journaliste qu’on connaît. Cela va sans dire, je ne conteste en rien votre droit de penser que Marine Le Pen doit être soutenue coûte que coûte et qu’elle constitue malgré tout la seule planche de salut pour notre pays. Je dois dire que ce n’est pas mon opinion, mais c’est la vôtre et je la respecte. En revanche, ce que je peux accepter d’une militante ou si vous préférez d’une simple électrice, je ne peux l’accepter d’une journaliste. Ce que je reproche à votre écrit, c’est le défaut d’analyse. Reprenons si vous le voulez l’article point par point. Vous parlez de “couvrir une nouvelle sortie”. De quoi parlez-vous exactement? de l’interview accordée à Bourdin sur RMC où Le Pen persiste à considérer que les chambres à gaz sont un détail de l’histoire de la seconde guerre mondiale? On nous rebat les oreilles avec ce truc depuis 28 ans. Les médias du système exploitent politiquement la chose depuis 28 ans. Oh je sais bien, vous allez me dire que précisément il faut refuser toute réponse aux questions sur le sujet car il s’agit d’un sujet piégé. Vous avez sans doute raison. Cela dit, même si ce n’est pas la stratégie que j’aurais choisie, je persiste à considérer que la liberté d’opinion doit faire l’objet d’une absolue intransigence. Si Le Pen pense que ceci ou cela est un détail de l’Histoire, c’est son droit le plus strict. S’il a le droit de le penser il doit avoir aussi le droit de le dire. Ensuite vous reprochez à Jean-Marie Le Pen d’avoir donné une interview à Rivarol qui justifierait à elle seule l’exclusion au motif que Rivarol a lancé de violentes attaques contre Marine Le Pen.
Pour être honnête il faut dire que Jean-Marie Le Pen lui-même a plusieurs fois été en conflit (y compris judiciaire) avec Rivarol. Ajoutons que Rivarol est parfois excessif et que je ne peux me résoudre à suivre Rivarol dans certains de ces excès. Néanmoins, et vous l’avez mentionné, l’interview est sur le fond irréprochable. Le fait qu’il l’ait donné à un journal qui ne ménage pas Marine Le Pen ne peut être retenu contre lui. Sinon il faudrait exclure tous les cadres du mouvement qui donnent des interviews à FranceInter ou Europe1. Si donner des interviews à une presse considérée à tort ou à raison comme hostile est devenu un motif d’exclusion, il ne va plus rester grand monde.
Oui Marine Le Pen avait d’autres choix. Il n’y a eu ni propos outranciers si ce n’est des réactions à des comportements absolument innommables. Jean-Marie Le Pen a très vite renoncé à présenter une liste dissidente. De son côté Marion Le Pen a exclu toute candidature avec Bruno Gollnisch qui, convenez-en avec moi aurait davantage de maturité et de compétences pour diriger une région. Pour ce qui est de la présidentielle de 2017 vous savez très bien que Marine ne gagnera pas parce que c’est mathématiquement impossible. François Hollande, j’en suis croyez-moi désolé, a plus de chances de remporter le scrutin que Marine Le Pen.
Enfin, croire que la nouvelle clique FN qui, à peine encartée est déjà à la direction du mouvement (Les Collard et consort sont, pour les plus anciens au FN depuis 2011), tiendra les promesses d’abrogation du mariage pour tous, de lute contre l’islamisme ou contre l’invasion migratoire relève d’une naïveté semblable à celle qui a consisté à croire que Tsipras n’allait pas se coucher devant la troïka.
Marine, le mariage pour tous et l’avortement, elle est à fond pour. Sa modération en la matière ne relève que de la posture politique. En tous cas elle n’était pas avec ceux qui se faisaient gazer dans les manifestations. On n’est jamais trop prudent. Pour le reste, j’ai peur qu’une fois installés dans les palais nationaux lambrissés, Phillipot et sa clique se comportent comme leurs prédécesseurs.
Croyez-moi, la seule raison de l’exclusion de Jean-Marie Le Pen relève de l’obéissance à certains lobbies en échange d’une hypothétique neutralité bienveillante. La prétendue dédiabolisation n’est que cela. Or si on se couche déjà, vous imaginez ce qu’il en sera une fois au pouvoir. Alors personnellement, si Jean-Marie Le Pen n’est pas réintégré, j’irai à la piscine plutôt qu’aux urnes.
Jacque Frantz