Figurez-vous que je suis en vacances en France. Par prudence, et comme je me sais dans une dictature socialiste, je me suis installé pour quelques jours tout près d’une frontière. En fait, les frontières ne sont plus vraiment ce qu’elles étaient. On vit dans le « sans frontières », je dirais même dans le « sans limites ».
contrairement à la tendance générale qui consiste à tomber en pâmoison devant tout ce qui est « sans frontières », j’aurais tendance à me méfier des « Médecins sans frontières », « reporters sans frontières » et autres « éducation sans frontières », j’en passe et des pires.
Même si j’ai beaucoup d’admiration pour Robert Ménard, je vous l’avoue, je suis un nostalgique de la frontière. Aujourd’hui, en Europe, on se retrouve dans un autre pays sans même s’en apercevoir. On baisse sa vitre pour demander son chemin, et on se rend compte qu’on n’est plus compris dans sa langue parce qu’on a changé de pays. Pourtant, moi je trouvais bien la frontière. La frontière cela voulait dire qu’à partir de là, on était ailleurs. On était à l' »étranger ». On entrait dans ce qu’on était venu découvrir.
Je me souviens de la première fois où nous sommes partis en vacances à l’étranger. C’était avec mes grands-parents. Nous étions partis en Espagne. A l’approche de la frontière, on ne parlait plus qu’à voix basse dans la voiture. Devant le regard sévère de l’officier chargé du contrôle des papiers on retenait notre souffle. C’était le mystère de ce qu’on allait trouver de l’autre côté. Le mystère était du reste souvent déçu car immédiatement de l’autre côté le paysage ressemblait à s’y méprendre à ce qu’on venait de quitter. Mais bon! on était « ailleurs » on changeait de langue, on changeait de monnaie et à nous le dépaysement et la découverte.
Le processus inverse avait lieu au retour. En repassant la frontière dans l’autre sens, c’était le retour, la fin des vacances, le bercail avec ses souvenirs et sa mélancolie.
Aujourd’hui c’est terminé. comme je l’ai dit, vous vous retrouvez sur une route à rouler à vive allure et vous voilà à ‘étranger sans crier gare. Tout est plus ou moins pareil. Fini le « passage de l’autre côté ». Pour le côté exotique, il faudra repasser. Je me suis vu devoir demander sur une ère d’autoroute si nous étions encore en France ou déjà en Espagne.
Cela dit qu’on se rassure. Les instances nationales et supra nationales savent très bien rétablir des frontières quand ça les arrange. On sait très bien vous faire savoir quand des frais s’appliquent sur un produit acheté d’un côté de la frontière et consommé de l’autre.
Les réseaux de téléphonie mobile connaissent très bien les frontières. Votre forfait illimité de ceci ou de cela connait en revanche très bien les limites territoriales.
Bref, nos dirigeants cosmopolites savent très bien s’accommoder des frontières quand ça les arrange. Ils savent les supprimer pour nous priver de nos racines et de notre histoire, mais ils savent aussi les conserver quand il s’agit de nous pomper du fric!