Les jeux de mot de Jean-Marie!
Jean-Marie, tout le monde le sait, est un grand amateur de calembours. Ça a commencé en 1987 avec l’affaire du « détail » dont je suis certain, pour avoir entendu l’émission à l’époque, qu’elle était involontaire, pour finir avec une histoire de « fournée » qui échauffe les esprits.
Si on essaie de faire un peu la part des choses, si on veut dépassionner le débat une minute, il faut bien se rendre compte que ce dont on parle, c’est du vent. Ce n’est même pas une tempête dans un verre d’eau, c’est une tempête dans un dé à coudre.
Jean-Marie a besoin, périodiquement de faire parler de lui et ça marche. A-t-il tort ou raison?
Il a tort dans la mesure où beaucoup de ses militants qui sont toute l’année sur le terrain sentent en un clin d’oeil, en un tour de langue, leurs efforts mis à mal. Il faut dire que c’est profondément injuste pour des gens qui ont sacrifié beaucoup et en premier lieu une grande partie de leur vie sociale. Être au Front national, c’est parfois n’être plus invité, perdre des amis, accepter que vos propres enfants soient austracisés. Jean-Marie vous répondra que d’après clémenceau, « la politique c’est avaler un bol de crapauds vivants tous les jours » et que lui il en avale une bassine. Il ajoutera qu’il a été victime de plusieurs attentats etc… Il oublie de dire qu’il a quand même des compensations. Député européen sans discontinuer ou presque depuis 1984, à quoi vous ajouterez quelques mandats de député national, conseiller régional et municipal, ce qui fait au bout du compte de quoi être à l’abri du besoin. Il n’en est pas de même pour l’activiste de base qui milite en-dehors de ses heures de travail tout en restant discret pour ne pas perdre ledit travail. Ce sont ceux-là à qui Jean-Marie fait du mal. Ce sont ceux-là qu’il expose encore davantage. Ce sont ceux-là qui ont l’impression que tout ce qu’ils ont essayé de construire est détruit en un instant au détour d’un jeu de mot. Alors de ce point de vue, je le répète, Jean-Marie le Pen a tort.
Cela dit il a aussi raison car qui sont ces gens qui croient faire partie d’une élite où ils s’arrogent le droit de nous dicter nos droits et nos devoirs en matière d’expression et d’humour? Ce qui est plus dangereux encore, c’est qu’au mépris du droit, ces pseudo-élites permettent aux uns ce qu’ils défendent aux autres. Pour autant que je sache, Pierre Desproge n’a jamais été poursuivi pour ses calembours sur Himler « qui ne pouvait être à la fois au four et au moulin », ou encore sur les « Juifs qui allaient à Auschwitz parce que c’était gratuit ». Desproge est mort en 1988 et je me suis souvent demandé s’il pourrait aujourd’hui dire impunément ce qu’il disait et écrivait à l’époque. En tous cas la liberté d’expression recule, c’est certain. Nous sommes sommés de bien vouloir nous esclaffer sur commande et nous attrister sur ordre. Et franchement, il y en a marre! Marre de la martyrolâtrie obligatoire. Marre de la compassion obligatoire sous peine de persécutions judiciaires. Nous avons une indigestion des camps, des trains et du reste. C’est d’autant plus détestable que bon nombre de ceux qui s’indignent sur commande n’ont jamais été menacés de persécutions aux heures les plus sombres de notre histoire… Je ne crois pas que la famille de Monsieur Maurice Benguigui (Ben oui c’est moins sexy que Patrick Bruel) ait eu, depuis la Tunisie, beaucoup à craindre et c’est tant mieux. Alors c’est toujours moche de récupérer politiquement des faits aussi effroyables. Elle est là la vraie insulte aux victimes. Elle n’est certainement pas dans les calembours que certains trouveront peut-être de mauvais goût, mais pour autant que je sache, le mauvais goût n’est pas un délit.
Donc les calembours de Le Pen regardent ce dernier et ses militants. Et si de cela doit dépendre notre liberté d’expression, eh bien je ne vois pas pourquoi cela devrait s’arrêter.
J’ajoute que la vie politique sans Jean-Marie se résumera à un choix entre Pierre Bergé et Florian Philippot. Est-ce vraiment ce qu’on veut?