PRIGOJINE, QUE DES QUESTIONS
Depuis que le monde a appris, jeudi 24 août au soir, l’accident d’avion qui a coûté la vie à Evguény Prigojine et à ses plus proches collaborateurs, nombreux sont ceux qui se précipitent pour formuler des accusations hasardeuses.
Pour le camp occidental, Prigojine a été victime d’un attentat commandité par Poutine pour l’éliminer par vengeance de la tentative de coup d’État du 23 juin dernier.
Comme d’habitude, c’est la vérité officielle et toute tentative de s’exprimer là contre, même de façon modérée, fait de vous le servant de messe de Poutine. Et ne croyez pas vous en sortir en disant que les choses sont plus compliquées qu’il n’y paraît ou que la Russie est un grand pays complexe avec diverses entités qui s’affrontent… Dire cela c’est déjà être un agent du Kremlin. Et pourtant…
Il faut savoir que le traitement médiatique russe tranche sérieusement avec les aboiements des médias occidentaux par sa prudence.
Les faits:
Un avion dont la liste des passagers comportait le nom de Prigojine est tombé le 24 août en fin d’après-midi dans la région de Tver. Le téléphone dudit Prigojine ne répond plus. Dix corps non identifiables ont été retrouvés. Les boîtes noires de l’appareil ont été également retrouvées. Corps et boîtes noires sont en cours d’expertise.
Une enquête est en cours pour faire la lumière sur les faits.
À ce stade, il est plus que probable que Prigojine soit parmi les victimes.
Plusieurs questions:
Les services de Poutine étaient-ils capables d’une telle opération? Poser la question c’est y répondre. On ne peut donc raisonnablement pas l’exclure, d’autant qu’il semblait clair qu’en échange de l’absence de toute poursuite contre lui suite à la mutinerie de juin, Prigojine était sensé ne plus se rendre en Russie. Mais si tel était le cas, il devient clair que quand Poutine veut éliminer quelqu’un ça marche! Donc adieu l’hypothèse selon laquelle Navalny et Skripal sont les victimes de Poutine. Car lorsque Poutine veut éliminer quelqu’un, visiblement ça fonctionne.
Côté ukrainien, était-on en capacité d’une semblable opération? À en croire les médias occidentaux, les Ukrainiens étant des génies, et, (mais ça c’est moi qui l’ajoute), des terroristes, je pense qu’on peut répondre sans trop s’engager par l’affirmative. Surtout que ce ne serait pas la première fois que Kiev et l’OTAN pratiquent l’inversion accusatoire en dépit du bon sens. Tout le monde se souvient de Northstream II.
Peut-on exclure l’accident? Même si les circonstances sont troubles et suspectes, à un moment où l’entretien de certains avions est rendu difficile à cause des sanctions, il est impossible de mettre complètement de côté cette hypothèse.
Enfin, tant que les imbéciles verront la Russie comme une entité univoque parfaitement alignée derrière son dictateur qui décide de tout, eh bien ils resteront des imbéciles.
L’observateur un peu aguerri sait qu’il existe des tensions et des rivalités dans l’armée russe. Aussi, il ne faut pas exclure une vengeance de certains militaires qui ont assez peu apprécié la petite sortie du mois de juin qui a tout de même donné lieu à une escarmouche qui a fait huit morts. On ne peut donc pas exclure non plus que certains aient voulu rendre à Prigojine la monnaie de sa pièce.
Tout de même, je m’étonne de tout ce bruit autour de “tout le monde savait”, “les jours de Prigojine étaient comptés”, “moi je ne lui accordais pas deux mois de vie”… À les entendre, seul un petit groupe de couillons ne savait rien et a pris ce jour-là l’avion pour son plus grand malheur.
Jacques Frantz