ГОВОРИТ МОСКВА ICI MOSCOU

Durant mon enfance, ma grand-mère et surtout ma mère lisaient un canard appelé Points de vue et images du monde. Un torchon sur papier glacé qui racontait les turpitudes des têtes couronnées d’Europe.
Je n’ai jamais aimé le luxe. Ou plus exactement, j’ai mes propres luxes. Écouter crépiter un feu de bois une pipe au bec est pour moi plus précieux que huit jours dans un palace. Donc je n’ai jamais aimé les histoires de roitelets.
Pourtant, l’observateur du monde que – un peu par vantardise – je me targue d’être, n’est pas resté indifférent aux dernières mésaventures du prince Andrew déchu de tous ces titres par son frère Charles III d’Angleterre.
Plutôt que d’applaudir avec les sans-culottes de pacotille, je me pose un certain nombre de questions.
Certainement que cette déchéance purement symbolique est un grand déshonneur pour l’homme. Néanmoins, est-ce suffisant ? Peut-on se contenter de la perte de quelques décorations, de l’obligation désormais faite à l’homme d’être appelé par son état civil (chose qui ne pose à vous et à moi aucun problème), et d’un déménagement dans une maison un peu moins luxueuse ? Rappelons que l’ex-prince vivait dans un manoir de 30 pièces.
Le prince Andrew va devoir désormais s’appeler Andrew Windsor Mountbatten. Intéressant car ni Windsor ni Mountbatten ne sont les blases réels de la famille. Windsor est un nom d’emprunt pris à la guerre de 14 pour dissimuler que la famille royale était en réalité de la maison des Hanovre, à un moment où l’Angleterre était opposée aux Allemands dans le premier conflit mondial. Quant à Mountbatten, il s’agit d’une anglicisation du nom « Battenberg », le lecteur fera les recherches qu’il juge utiles pour en découvrir l’origine.
Qu’on se rassure, l’ex-prince ne sera tout de même pas obligé de travailler, les parasites de la famille pseudo royale ayant volé suffisamment d’argent pour entretenir les rejetons encombrants.
Toutefois, une autre question se pose : maintenant que le ci-devant prince est devenu un personnage presque ordinaire, va-t-il être jugé ? Parce que les crimes commis ne sauraient être punis par la seule privation de breloques, de titres ronflants et d’une immense baraque. D’ailleurs, si vous commettez le même type de crimes, vous irez (ce qui est normal) tout droit en prison. L’affaire ne saurait donc s’arrêter à une simple petite modification du train de vie.
Troisième et dernière question :
Le grand frère Charles et le reste de la famille savaient-ils ?
Tu me connais belle lectrice, et tu n’ignores pas mon caractère suspicieux. Il ne fait aucun doute que toute la famille et au-delà connaissent les immondes turpitudes du frangin, du tonton et du papa. Tous savaient et tous savent ce que nous ignorons. La réalité, c’est qu’on ne reproche pas au prince Andrew d’avoir abusé de gosses, ce qu’on lui reproche c’est de s’être fait prendre. Dès lors, on a voulu isoler une bête malade pour sauver le troupeau. D’habitude, quand une bête atteinte d’un virus grave se trouve dans un troupeau, il est d’usage d’abattre celui-ci. Donc il est à souhaiter – on peut rêver – que Andrew Battenberg soit jugé et condamné puisque s’il a été lâché de cette manière, c’est que sa culpabilité ne fait aucun doute. J’attends avec gourmandise de voir le Charlot qui se prend pour le roi d’Angleterre déposer à la barre et nous dire exactement ce qu’il savait et depuis quand.
Jacques Frantz