EN 2023, LA PAIX EN UKRAINE EST-ELLE POSSIBLE? (Partie 2)

EN 2023, LA PAIX EN UKRAINE EST-ELLE POSSIBLE? (SUITE)

II. Une langue pour survivre

Maintenant qu’on a grossièrement dessiné quelques contours historiques, essayons de comprendre les enjeux linguistiques.
Du temps de l’URSS, le Parti Communiste de l’Union Soviétique faisait régner le “centralisme démocratique”. Ce qui fait que les grandes décisions politiques et économiques se prenaient à Moscou. Dans toutes les républiques, le russe était obligatoire. Même s’il n’était pas parlé à la maison, il était appris avec plus ou moins de succès à l’école. Cependant, beaucoup d’Arméniens ou de Kirghizes le maîtrisaient mal. Staline lui-même était connu pour son accent géorgien.

En Ukraine, l’écrasante majorité de la population parle russe et Ukrainien naturellement. Dans les deux tiers du pays, les citoyens sont russophones. Qui comprend le russe et le polonais comprend l’ukrainien sans difficulté. À l’exception de la partie occidentale du pays proche de la Pologne, les habitants parlent russe. Dans le fameux Donbas, les habitants se revendiquent comme russophones. Aussi, pour survivre comme langue administrative, l’Ukrainien a dû, au moment de l’indépendance, s’imposer par la pression puis par la force. Après le coup d’état de 2014, cette pression est devenue une véritable persécution. Interdiction de parler le russe dans l’administration, mais aussi destruction de livres et d’objets culturels en langue russe. La vie est devenue difficile pour des personnes qui ne parlent pas ukrainien. Le président Zelensky lui-même est russophone et a dû apprendre l’ukrainien pour entrer en politique. Parce que les deux langues sont très proches et que la pente glissait naturellement vers le russe, l’ukrainien a tenté et tente encore de s’imposer par des moyens coercitifs, autoritaires voire totalitaires.
Selon que le pouvoir était pro-russe ou pro-occidental la pression était plus ou moins forte. Dans les réunions internationales, les diplomates parlaient soit russe soit anglais selon la tendance des dirigeants.

Les russophones de l’est de l’Ukraine ont donc subi une répression sans que s’en émeuve tout ce que l’Occident compte de donneurs de leçons en matière de droit de l’Homme. Cette volonté d’éradiquer toute trace de la culture russe n’est-elle pas finalement un aveu du caractère très artificiel de la langue et de la culture ukrainienne?
Il faut également savoir que l’Ukraine n’est pas constituée que d’Ukraine. Comme on l’a vu, le pouvoir soviétique a beaucoup joué avec les nationalités soit en déportant des populations, soit en dessinant artificiellement des frontières au gré des intérêts politiques. Pire! Après la deuxième guerre mondiale, l’URSS a profité de sa domination absolue pour octroyer à l’Union Soviétique (en l’espèce à l’Ukraine), des territoires appartenant à d’autres États, sans que la nouvelle ONU n’y trouve à redire.
C’est ainsi que la Galicie pourrait redevenir polonaise, et que la Hongrie pourrait revendiquer une partie du territoire ukrainien perdu à l’issue du partage de l’Europe de 1945. Je me suis d’ailleurs laissé dire que l’État hongrois était très généreux en octroyant des passeports hongrois (donc européens) aux ukrainiens de langue hongroise. Ukrainiens de langue hongroise soit dit en passant eux aussi réprimés par le régime de Kiev. Ces questions de réagencement des frontières en Europe de l’est pourraient bien s’inviter à la table d’éventuelles futures négociations.

Cette question de la langue est essentielle. Elle est du reste prise très au sérieux depuis très longtemps par les anglo-saxons pour grignoter de l’influence. Il ne fait aucun doute que la langue ukrainienne est instrumentalisée dans le seul but de faire disparaître la langue russe. Le problème c’est qu’il y a en Ukraine une frange importante de la population qui ne parle que ça. C’est à eux que l’ancien président Porochenko répond qu’ils n’iront plus à l’école, qu’ils n’auront aucun droit à la retraite et qu’ils vivront dans les caves. De son côté, Zelensky répond qu’ils peuvent partir qu’on ne retient personne. Normalement, quand cela ne porte pas la signature des Américains, cela s’appelle de la purification ethnique. On a connu les Américains et l’ONU beaucoup plus sourcilleux sur ces questions. C’est d’autant plus navrant que Zelensky a fait une grande partie de sa campagne sur la souffrance de ces populations russophones. Mais bon! Puisqu’il paraît que les promesses électorales n’engagent que ceux qui les écoutent…

Tout ceci est la démonstration que la question linguistique est loin d’être une question purement symbolique. Or dès lors que les Américains ont la volonté d’étendre leur influence dans la région, il devient légitime que les Russes aspirent à ne pas se laisser faire, dans une région où leur légitimité historique ne fait aucun doute. Depuis plus d’un siècle, les anglo-saxons se croient chez eux sur n’importe quel point du globe qui leur convient. On rappellera que les États-Unis comptent plus de 800 bases hors de leurs frontières. L’histoire dira si s’attaquer aux Russes ne constitue pas un trop gros morceau qui pourrait causer leur perte. D’autres avant eux ont essayé et ils ont eu des problèmes.
Affaire à suivre.
Jacques Frantz

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