QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LES DIRECTIVES ANTICIPÉES.
Depuis quelques temps, on nous parle beaucoup des directives anticipées des malades en fin de vie. L’actualité autour de Vincent Lambert que nous avons abondamment traité sur ce blog nous interpèle sur le sujet et nous oblige à réfléchir. Dans ce cas qui ne nous a que trop occupé ces derniers temps, on a beaucoup regretté l’existence de directives anticipées qui auraient, si l’on en croit les partisans de l’euthanasie, été une solution définitive au problème.
Croire que des directives anticipées auraient mis d’accord une famille qui se déchire sur un cas tragique est complètement illusoire. Pour énoncer des directives anticipées, convenez avec moi qu’il faut être sain de corps et d’esprit. Or quand on est sain de corps et d’esprit, on a une vision de soi, de la maladie et de la mort très différentes de quand on souffre et que la mort devient une échéance réelle à moyen terme.
Je me souviens de cette nouvelle de Victor Hugo intitulée “les derniers jours d’un condamné”. L’auteur nous fait vivre dans cet ouvrage les six semaines qui séparent le verdict de l’exécution. Vous allez me dire ce n’est qu’un roman. Pourtant la réflexion est intéressante. La scène se passe au tribunal. Le prévenu est extrait de sa prison pour entendre le verdict. Son avocat plein d’espoir lui explique que si les circonstances atténuantes sont retenues il s’en tirera avec les galères à perpétuité. Le condamné s’exclame “à ce moment-là, plutôt la mort”. Le verdict tombe et c’est effectivement la mort qui est prononcée. Nous sommes sous le règne de Charles X, et, comme je l’ai dit plus haut, la procédure d’examen du pourvoi en cassation ne dure que six semaines. C’est peu et c’est beaucoup pour réfléchir à son statut d’homme en fin de vie. C’est dur car on connaît à peu près l’échéance. La plupart d’entre nous ne savons pas quand interviendra notre fin. Dans le cas du condamné, il le sait. Il aura tout loisir de méditer sur l’instant présent et surtout sur l’instant d’après. Il se rend compte aussi que finalement les galères eussent été une condamnation moins dure que celle qui lui échoit. Parce que finalement rien ne vaut la vie.
Nous avons tous eu l’occasion de nous trouver devant un cas grave où nous nous disons que dans un tel état, nous ne pourrions pas faire face. Pis encore. Les lois de nos démocraties avancées nous permettent de faire disparaître un enfant à naître parce que non conforme à nos attentes. Certains vont jusqu’à dire que s’ils avaient laissé naître un enfant dans cet état, il ne l’aurait pas pardonné. Qu’en sait-on? La vieillesse, le handicap et la maladie nous font frémir d’horreur. Pourtant, nombreux sont ce qui vivent avec un handicap et qui font montre d’un réel goût à l’existence. Pour autant que je sache, la plupart des dépressifs sont parfaitement valides. Notre regard sur le handicap ou la souffrance change dès lors qu’on devient soi-même handicapé ou malade. C’est une chose de dire ce qu’on ferait si on était dans tel ou tel état, et s’en est une autre que de se retrouver dans un tel état.
Les directives anticipées de quelqu’un de sain et valide n’ont aucune valeur dès lors qu’on se retrouve malade et infirme.
Alors je vais mettre ici mes directives anticipées. Ainsi on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.
En cas de maladie grave non guérissable, je tiens à ce que le processus d’accompagnement se poursuive jusqu’à la fin de ma vie. Je veux que tout soit mis en oeuvre pour contenir, atténuer et calmer la souffrance. Je ne veux pas que soient tenter des thérapies traumatisantes qui auraient pour but unique de reculer une échéance proche. Exemple: Je ne voudrais pas qu’on tentât une opération lourde et douloureuse qui aurait pour but non de guérir, mais de reculer une échéance, au risque de rendre la fin de vie plus lourde et douloureuse pour moi-même et mon entourage. Je ne veux en aucun cas que fin soit mise à ma vie par un tier.
Autrement dit, je ne veux pas souffrir, ou souffrir le moins possible, mais je dénie à quiconque le droit de décider de ma mort sous le prétexte fallacieux que j’aurais dit à l’apéro que je ne veux pas vivre comme un légume. Car la réalité, c’est que dès lors que la souffrance est traitée (et on sait traiter la souffrance), la question de la mise à mort des patients ne se pose plus. beaucoup de malades en fin de vie entre dans des unités de soins palliatifs avec le désir de mourir, et changent d’avis dès lors que leur souffrance est traitée. Voilà une preuve que les directives anticipées sont pour le moins à relativiser.
Lecteur, je te laisserai lire ou relire la fable de Lafontaine qui s’intitule “La mort et le malheureux”. Je gage que tu sauras y puiser la sagesse sur un sujet douloureux que nous ne sommes pas, toi et moi, les premiers à aborder. Le sage auteur des fables nous montre en somme que rien ne vaut la vie.
Jacques Frantz
LA MORT ET LE MALHEUREUX
Un Malheureux appelait tous les jours
La mort à son secours;
Ô Mort, lui disait-il, que tu me sembles belle !
Viens vite, viens finir ma fortune cruelle.
La mort crut en venant, l’obliger en effet.
Elle frappe à sa porte, elle entre, elle se montre.
Que vois-je ! cria-t-il, ôtez-moi cet objet ;
Qu’il est hideux ! que sa rencontre
Me cause d’horreur et d’effroi !
N’approche pas, ô Mort ; ô Mort, retire-toi.
Mécénas (1) fut un galant homme :
Il a dit quelque part : Qu’on me rende impotent,
Cul-de-jatte, goutteux, manchot, pourvu qu’en somme
Je vive, c’est assez, je suis plus que content.
Ne viens jamais, ô Mort ; on t’en dit tout autant.
Jean de Lafontaine
Tout à fait d’accord : comment peut-on savoir dans quelle disposition d’esprit on sera en fin de vie ? Le meilleur exemple est celui de Philippe Pozzo di Borgo, tétraplégique, qui a inspiré le film Intouchables et qui dit lui-même que si on lui avait demandé d’écrire des directives anticipées avant son accident, il ne serait sans doute pas là aujourd’hui : https://www.youtube.com/watch?v=8QSh0npbhos
Lire aussi « Une larme m’a sauvée » d’Angèle Lieby : c’est son mari qui a empêché les médecins de la « débrancher » et aujourd’hui elle vit comme vous et moi !
Vous mélangez tout. Le cas de personnes très malades (cancers) mais ayant leur conscience, et celui de personnes comme V. Lambert dont le cerveau n’est plus en état de fonctionnement normal. De façon irréversible. Il restera ainsi jusqu’à ce que les organes lâchent. Cela peut durer. Magnifique fin de vie.
Je sais que je ne veux surtout pas infliger cela à mes proches.
S’il fallait mettre à mort tous ceux dont le cerveau ne fonctione pas normalement, cela ferait un paquet de monde.
Je vous laisse la responsabilité de vos propos qu’un Staline ou un Hitler n’auraient certainement pas niés.