Les mots me manquent et ma plume reste sèche pour exprimer ma tristesse à l’annonce de la CEDH ce matin. Non que je mettais beaucoup d’espoir en cette instance supranationale et surtout antinationale. En revanche, je mettais de l’espoir en ce que Dieu aurait pu toucher les coeurs.
J’ai parlé à quelqu’un qui sent l’étau se resserrer. Une véritable angoisse m’étreint ce soir à l’idée que les partisans du mariage dénaturé, de l’euthanasie, de l’avortement et de l’abolition de la peine de mort pour les seuls criminels vont s’engouffrer dans cette brèche. Parce que bien évidemment ce sont les mêmes.
Je pense à tous ces gens qui assistent des personnes dans le même état que Vincent Lambert. Tout le monde se souvient de Jean-Pierre Adams. Pourtant, Dieu merci, jamais est venu à personne l’idée de faire mourir Jean-Pierre Adams, qui, rappelons-le, fut un joueur de football plongé dans un comas végétatif suite à un accident opératoire. Pourquoi Vincent n’aurait pas le droit au même amour? Juste parce qu’une épouse trouve plus confortable d’être veuve pour se vautrer dans un autre lit? juste parce que son histoire dégueulasse est surexploitée par une bande de requins libertaires et invertis prêts à tout pour faire avancer leurs causes mortifère?
Mes pensées vont aux centaines de personnes dans le même état que Vincent dont la vie s’est tout d’un coup fragilisée. Mes pensées vont à ceux dont la vie est devenue par une simple décision judiciaire plus fragile que le cristal.
Mes pensées vont ce soir enfin à Viviane et Pierre Lambert. On ne baisse pas les bras. La vraie France est avec vous! On vous embrasse et on prie pour vous
Jacques Frantz
Outre que cette décision qui émane évidemment de bien-portants hédonistes est d’abord affligeante pour Vincent lui-même et ses parents, elle sonne le glas d’une espèce qui jusqu’à présent, se sachant être, pour reprendre les mots du professeur Lucien Israël, ‘autre chose qu’un omnivore des savanes », savait encore un peu ce que le mot « solidarité » veut dire. Comme il a été dit dans un précédent article publié ici, la chasse à l’inutile, au non rentable et j’en passe, ne fait que commencer. Nul doute en effet que cet arrêt de mort fera jurisprudence et que d’aucuns n’hésiteront pas à en étendre les e,fets non seulement aux quelques 1700 personnes qui se trouvent actuellement dans la même situation en France, mais à un terme qui risque fort d’être moins long qu’on le croit, à d’autres formes de handicap physique. Lorsque sera franchi ce premier pas, le seul qui « coûte » un peu parce qu’il en fait malgré tout encore parler et écrire quelques-uns (dont nous sommes), qui sera là afin de défendre pour ceux qui suivront ne serait-ce que le simple et élémentaire droit à la vie? De l’étranglement économique, ce monde en proie aux griffes du prince qu’il s’est choisi pourrait bien ne pas tarder à passer à l’étranglement tout court, après avoir savamment noyé le poisson à coups de mesurettes de simplification en matière de bureaucratie. Oui, l’étau se resserre dangereusement, mais dans cet espace résolument chrétien, les raisons de garder espoir ne sont pas encore toutes perdues, bien loin de là. Je ne suis évidemment pas Dieu le Père, seul Maître du temps et de l’Histoire, mais j’espère avoir prochainement l’occasion de m’exprimer ici même sur ce sujet.
Il est vrai que les mots manquent pour exprimer le sentiment d’oppression qui m’envahit à la suite de cette décision, attendue certes, mais qui s’inscrit dans une direction prise depuis longtemps maintenant et dont on se demande bien si on sera en mesure de l’inverser un jour. On m’opposera sans doute des milliers d’arguments pour me démontrer que cette décision était la bonne: tu vivrais comme ça toi? Tu serais capable d’assister pendant toute ta vie une personne qui n’a pratiquement plus de relations avec son environnement? C’est de l’acharnement thérapeutique… etc, etc etc. N’empêche que la vie de Vincent, aussi diminuée soit-elle, est une vie. Dieu ne l’a pas reprise et, que je sache, personne n’est habilité ici bas à décider si quelqu’un doit ou non rendre son âme. Comme le dit fort justement Isabelle, je crains qu’on n’en soit qu’au début. Après la culture du risque zéro viendra la culture du handicap zéro, de la maladie zéro, et surtout de la rentabilité maximale. Entre la médecine prédictive poussée à son paroxysme, avec ces bons et surtout ses mauvais, très mauvais côtés, et l’euthanasie dont la légalisation n’est qu’une question de temps, on pourra dire à tout un chacun que sa différence physiologique, innée ou acquise, ne sera mesurée qu’à l’aune du droit tout-puissant, de l’économie omnipotente, de la science infuse et de morale de l’homme nouveau… Bref, handicapés de tous les pays, planquez-vous! Dire, comme la CEDH, que le fait de stopper l’alimentation d’un patient, ne constitue pas une atteinte au droit à la vie, il fallait oser… Je sais, comme dirait un certain Michel Audiard, que c’est à ça qu’on les reconnaît, mais là, c’est vraiment une façon d’oser qui me révolte et je le dis ici sans peine.
Je n’ai pas l’habitude de commenter les commentaires pour simplement dire que je les approuve. Ce serait de la flagornerie mal placée et ça ne me ressemble pas. Cela dit, la notion de handicap 0 me paraît extrêmement pertinente. Une fois qu’on aura mis à mort tous les tétraplégiques en état Paussy-relationel, terme que j’ignorais avant l’affaire Vincent Lambert, on fera crever de faim et de soif, ou par sédation des tétraplégiques conscients. Petit à petit, les infrastructures d’accueil et de rééducation n’existeront plus puisque leur nombre diminuera fort opportunément. Et puis franchement quelle idée saugrenue de vivre si on n’a pas en parfait état de fonctionnement sa tête, ses jambes, ses mains, ses oreilles ou ses yeux. Franchement quel intérêt pour soi et pour ses proches… Il y a peu d’infirmes chez les décideurs, chez les politiques et chez les journalistes qui décrètent quelle vie vaut d’être vécue ou non. Pour ma part, n’ayant pas d’avis sur cette dernière question, j’aime mieux, dans le doute, ne rien décréter et laisser la vie aller jusqu’à son terme.
J.F. >