Lors du déjeuner de l’AGRIF sur lequel je reviendrai dans un prochain article, j’ai eu l’immense plaisir de rencontrer plusieurs personnalités qui conduisent la lute dans laquelle nous sommes engagés pour nos valeurs et contre la société qu’on veut nous imposer à marche forcée. Sur le stand de Béatrice Bourges, nous avons devisé quelques minutes sur la situation des partis politiques en France. Comme il était difficile d’exposer les choses sur un coin de table dans le bruit ambiant, je me suis permis de rédiger ce qui suit:
Force est de constater que, pour diverses raisons, les partis qui constituent aujourd’hui le paysage politique sont définitivement disqualifiés. Certes, il s’agit là d’une formule un peu abrupte qui n’engagera que le misérable auteur de ces lignes, mais convenez avec moi qu’aucun parti institutionnel n’a pu résoudre la situation politique, économique, sociale et morale qui s’aggrave depuis des décennies.
À des degrés divers, tous ces partis politiques ont une responsabilité. Soit, parce qu’ils ont exercé le pouvoir dans une consternante continuité dans la droite ligne de ce qu’ils critiquaient lorsqu’ils étaient dans l’opposition, soit parce qu’ils ont échoué dans leur tentative de prendre le pouvoir lorsqu’ils avaient des propositions de changement crédibles.
L’UMP, le Parti socialiste et leurs composantes périphériques d’appoint portent une lourde responsabilité car ils ont engagé le pays dans une voie créatrice de misère, de destruction et de malheur. Il ne font du reste qu’appliquer un agenda international dicté par les instances européennes et onusiennes par l’intermédiaire de textes internationaux qu’ils ont signés et ratifiés de manière fort peu démocratique. Dès lors, quelle crédibilité a une opposition qui sait pertinemment qu’elle appliquerait à quelques nuances près la même politique en vertu de traités desquels il sera très difficile de nous dégager sans douleur.
Le cas du Front national est particulier. Il a joué à la perfection le rôle d’exutoire et de repoussoir auquel l’a cantonné la gauche mitterrandienne des années 80. Il n’en ai jamais sorti. Il ne peut être exonéré de toutes les responsabilités de cet échec. Certes, la vie a été très dure. La diabolisation et l’ostracisme agressifs qu’il a subi ont été sans failles. On y ajoutera une instrumentalisation habile, pour avoir au bout du compte une fantastique machine à perdre pour la droite. Cela dit, le FN aurait pu jouer la carte locale. Dès qu’ils ont eu des élus locaux, ceux-ci se sont fait torpillés par le siège qui voulait que rien ne lui échappât. Résultat des courses, on a droit désormais à chaque élection présidentielle au sempiternel psychodrame des 500 signatures qui permettent de se présenter à ladite élection. On sait très bien que ce précieux sésame ne s’obtient que par une assise solide sur le plan local. Avec une obtention des signatures sur le fil du rasoir, le système envoie un message très clair: « Le FN c’est si je veux, quand je veux ». Si le FN ne fait pas un score élevé aux prochaines municipales, il se pourrait bien que cette fois ça ne passe pas. On nous expliquera sur France inter que devant la montée des populismes en Europe, les élus locaux n’ont pas voulu prendre la responsabilité… Je ne vous fais pas le discours vous le connaissez aussi bien que moi. Convenez tout de même avec moi que s’il y avait 500 Jacques Bompard dans nos mairies françaises, et que ceux-ci avaient été maintenus au FN, les signatures seraient une formalité. Le FN ne sera présent à l’élection de 2017 que s’il peut servir à l’élection d’un des candidats du système bipolarisé. En outre, je peux prédire avec certitude que l’élection de 2017 sera tout sauf démocratique. Vous voulez un exemple? Il se murmure qu’on pourrait revenir sur le principe d’égalité de temps de parole. Le système est blessé et a peur! alors attendez-vous au pire. Pour en finir avec le FN, on constatera que depuis l’élection de Marine, plus il monte, plus il se pare d’habits respectables pour plaire, au nom de la dédiabolisation, à un système toujours plus exigeant. Le système médiatico-politique joue une partie de « je t’aime moi non plus » qui a commencé par une intrusion dans le jeu électoral interne au moment du départ de Jean-Marie le Pen de la présidence du parti dont, Anne Kling le rappelle fort opportunément, il n’est pas le fondateur. (1)
Maintenant qu’on a mis les partis institutionnels hors-jeu, que fait-on? La représentativité démocratique a, nous dit-on, besoin de partis pour s’exprimer. C’est vrai et c’est faux. S’il est vrai qu’il faut une structure pour permettre à la population de s’exprimer, elle peut revêtir d’autres formes. On ne peut plus, de bonne foi, considérer que les partis institutionnels siégeant au parlement français sont représentatifs de la population et expriment une quelconque légitimité populaire. Le socle parlementaire est devenu une partie de l’oligarchie qui ne songe qu’à se perpétuer. Qui pis est, avec la réforme massivement approuvée par référendum qui a ramené le mandat présidentiel à 5 ans, on se retrouve de fait avec un président et un parlement élus en même temps. Ainsi, grâce à ce calendrier bien synchronisé, le président exerce sa fonction débarrassé de la menace de l’élection d’un parlement défavorable. Ajoutez-y des lois électorales faites au moule et des médias complaisants, et vous avez un parti socialiste minoritaire qui tient tous les leviers et qui impose sa chape de plomb pour 5 ans. À partir de là, vous pouvez manifester, veiller, pétitionner twitter et bloguer, ils sont là et peuvent exercer le pouvoir de façon arrogante et outrancière sans que rien ne les menace. Ils n’ont même pas peur d’une non réélection car ils ont bien l’intention de modifier le corps électoral pour qu’il leur soit favorable.
Pour autant, la cause n’est pas entendu. On le sait, même le plus noir nuage a toujours sa frange d’or. La dictature n’attendait pas le vaste mouvement de population qu’a constitué la manif pour tous, le printemps français et d’autres organisations. elle y a réagi dans l’urgence, de façon agressive démontrant ainsi sa faiblesse. L’agitation pacifique doit continuer. Elle doit servir de levier de pression sur les partis politiques afin d’obtenir une vaste réforme constitutionnelle pour organiser l' »après partis ».
La constitution de 1958 a été adoptée dans un contexte agité et rédigée par de Gaulle appelé en homme providentiel. On l’a dit et c’est une banalité de le répéter, mais la constitution a été faite par de Gaulle pour de Gaulle. Elle est arrivée à un moment où le pays avait un grand besoin de stabilité. Cette stabilité s’est peu à peu transformée en sclérose. En outre, elle a fait l’objet de multiples modifications pour s’adapter aux divers traités internationaux dans lesquels nos gouvernants nous ont engagés inconsidérément. Par conséquent, la constitution ressemble davantage à un vêtement rapiécé de bric et de broc qu’à un outil de fonctionnement permettant au pays d’exercer sa souveraineté populaire. Car on l’oubli trop souvent, mais d’après la constitution, c’est le peuple qui est souverain.
Dans cette réforme constitutionnelle qu’y met-on?
Tout d’abord, il faut sacraliser un principe: « pas de pouvoir sans contre-pouvoirs ». Or une opposition minoritaire telle qu’on la voit au parlement aujourd’hui n’est pas un contre-pouvoir crédible. Le vrai seul contre-pouvoir qui le soit c’est le peuple. Il convient donc de s’inspirer de la démocratie directe à la suisse.
La population doit avoir la possibilité ponctuelle de recourir contre une loi adoptée par les chambres du Parlement.
La population doit pouvoir faire des propositions de loi par le biais de l’initiative populaire. Si la classe politique pousse des cris d’orfraie quand on lui parle de démocratie directe, c’est que ce doit être bon pour nous.
Les avantages de telles mesures sont bien connus. Cela signerait la fin, au moins partielle, de la toute-puissance d’un seul parti politique et de ses satellites vassalisés.
Cela signerait la fin de la bipolarité politique qui n’est qu’une illusion d’alternance. Quand le pays a dormi 5 ans sur son côté gauche, il se tourne endolori sur son côté droit ou ce qu’il croit être son côté droit, et les problèmes demeurent. Grâce à la démocratie directe, le jeu est davantage ouvert. On va pouvoir débattre de tout. Par exemple, une initiative pour le rétablissement de la peine de mort est sur le point d’être lancée en Suisse. Si elle aboutissait, (ce qui est loin d’être fait), elle ferait sauter les verrous du conseil de l’Europe en la matière. Le COE n’aurait d’autres choix que d’exclure la Suisse ou d’obtempérer sur la question, ce qui ouvrirait une brèche sans précédents en Europe. J’ajoute que quelle que soit l’opinion de chacun sur la question, reconnaissons qu’il s’agit d’une question intéressant les États souverains et non une instance internationale. Même l’État fédéral américain ne s’immisce pas dans les affaires internes des États de l’Union sur cette question.
La démocratie directe permettrait de lever bon nombre de tabous. elle permettrait aussi de mettre tout le monde d’accord sur la légitimité de telle ou telle mesure. Par exemple, lorsqu’un gouvernement issu de la droite officielle ose un commencement de réformette, tout ce que le pays compte d’agitateurs à plein temps et grassement subventionnés est dans la rue. Tout s’arrête. transports, universités, lycées entreprises etc… La démocratie directe rendrait incontestable la légitimité des réformes, puisque syndicats et opposants politiques auraient pu faire appel au peuple en amont. Quelle que soit la décision rendue, elle serait incontestable puisque tout le monde aurait pu s’exprimer et faire valoir son point de vue. La paix civile sortirait gagnante de ce processus. En outre, comme c’est le cas en Suisse, des partis en opposition pourraient siéger au sein de coalitions gouvernementales élargies puisque le pouvoir de chacun serait sous le contrôle du peuple souverain. Dès lors, l’élection à la proportionnelle ne serait plus vecteur d’instabilité, ce qui améliorerait la représentativité du pouvoir législatif.
Bien sûr la concorde est obligatoire quant aux règles du jeu. Le problème de la France c’est qu’une frange non négligeable de l’oligarchie politico-syndicaliste n’est prête à accepter les règles du jeu que si elle gagne. On l’a bien vu en 2002.
La démocratie directe, même si elle a fait ses preuves, comporte certains inconvénients, ou tout au moins fait débat.
Pas question d’aborder ici l’argument usé jusqu’à la corde selon lequel ce serait la porte ouverte aux populismes. Laissons cet argument aux plus méprisables de nos adversaires.
Il n’en reste pas moins que la multiplicité des occasions de voter favorise l’abstention. L’abstention est aussi favorisée par le manque de diligence des gouvernants à appliquer ce qui a été voté. Il est très difficile de luter contre l’abstention autrement que par une mesure forte de vote obligatoire comme c’est le cas en Belgique et au Luxembourg. À défaut, on peut considérer que la liberté de voter ou de ne pas voter appartient à chacun et qu’un faible taux de participation n’entame en rien la légitimité d’une décision. Après tout une forte participation est plutôt de tradition dans les pays latins de l’après-guerre, alors que les pays anglo-saxons ont assis leurs démocraties sur des participations plus faibles. Voilà pourquoi on vote en semaine au Royaume-Uni ou aux États-Unis.
On reproche également à la démocratie directe un ralentissement du processus législatif. On a envie de dire « et alors »… Depuis quand légiférer dans la précipitation donne de meilleures lois?
Certains osent avancer que le peuple est déraisonnable, et que cette manière de légiférer laisserait par trop de place à l’émotionnel.
On constate en Suisse que la population a fait des choix qui apparaîtraient chez nous comme très impopulaires. Par exemple, la fin de la gratuité des autoroutes ou le maintien de la durée hebdomadaire du travail à 42 heures sont issus de votations populaires.
Pour répondre à la question de Béatrice Bourges, les partis ont de l’avenir que dans un système réformé avec un vrai système de contre-pouvoir. La population doit demander davantage de ce pouvoir.
Je crains hélas que le système en place préfère de loin la dictature. elle a déjà commencé mais, c’est bien connu, on ne lâche rien.
Jacques Frantz
1. Anne Kling
FN… Tout ça pour ça. La très étonnante évolution du Front National
Éd. Mithra