JEAN-CHARLES S’EN EST ALLÉ SANS RIEN DIRE

JEAN-CHARLES S’EN EST ALLÉ SANS RIEN DIRE

C’est Isabelle qui, fidèlement commente les articles de ce blog, qui m’a apporté la mauvaise nouvelle. Jean-Charles Aschero, grand homme de radio, animateur entre autre des “choses de la nuit” sur Inter, nous a quitté.

Bien sûr, sa disparition m’a fait mal. Ce qui m’a fait surtout mal, c’est que Jean-Charles est mort depuis deux ans. Jean-Charles est parti dans la plus grande indifférence. A-t-il été escamoté par la mort d’Higelin? Je ne sais. En tous cas, la caste des journalistes de la radio publique est décidément en-dessous de tout.

Ce qui fait de moi un être différent des gens de gauche, ce qui fait de moi un être supérieur à eux, c’est que je sais reconnaître la valeur de celui qui pense autrement. Jean-Charles ASchero pensait différemment de moi, mais il n’en restait pas moins un être exceptionnel.

Il était davantage qu’un homme de radio, il était un inventeur de radio. Car contrairement aux José Arthur ou Jacques Chancel, qui n’ont fait qu’interviewer des gens sans jamais rien inventer, Aschero savait se réinventer en permanence. La terre fertile de son imagination prolixe, c’était les ondes.

Les choses de la nuit, c’était 5 heures d’émission marathon où Jean-charles Aschero, Bernard Gillet ou Dany Bourdin vous faisaient aimer le cinéma, les femmes, les polars, les récits des gens comme vous et moi. Jean-Charles savait mieux que personne lire les lettres des auditeurs dans “Post scriptum”. Personne n’oubliera les lettres tellement émouvantes de Jean-François, gardien d’un parking de la Madeleine. Non seulement il faisait entendre sa voix très radiophonique, mais encore, il savait mieux que personne faire entendre les voix des autres. Celle d’un chauffeur de taxi italien lorsqu’il avait pris le parti fou de faire une heure en extérieur dans Paris entre minuit et une heure du matin. Celle des dames et des demoiselles de “quel est votre prénom”.

Et c’est cet homme qui est parti dans le plus simple appareil de l’anonymat, à telle enseigne que je ne l’ai appris que deux ans après. C’est étrange, mais je me sens un peu comme celui qui pousse trop tard la porte de son voisin et qui découvre un squelette.

Je ressens de la colère envers cette mafia de la presse et de la radio qui a fait passer par pertes et profits un homme immense de qui ils auraient dû s’inspirer. Jean-Charles, c’était la radio du service public qui vivait 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Aujourd’hui, la radio nocturne rediffuse les navets de la journée. Le service public est devenu de la propagande surgelée et mal réchauffée.

Jean-Charles a été évincé sous la direction d’une créature sans talent, sans classe ni goût. À 81 an, elle sévit toujours. Ce sont décidément les meilleurs qui partent les premiers.

Enfin, comment évoquer Jean-Charles Aschero sans évoquer Louis Amade dont il était l’admirateur et l’ami.

Aujourd’hui, la radio publique n’est plus que copinage et propagande. Rien sur le site de l’INA pour réécouter les émissions des choses de la nuit. Jean-Charles, qui a pourtant fait raisonner tant de belles choses entr nos oreilles, est parti sans faire de bruit. À croire qu’il représentait le temps d’avant. Le temps où on avait le temps de penser et d’exister. Avec le départ de Jean-Charles, les “horloges de sept lieues” ont perdu une belle occasion de se taire un peu.

Jacques Frantz

Post scriptum: Si certains possèdent ou connaissent des gens qui possèdent des enregistrements des choses de la nuit, je suis preneur.

12 commentaires

  1. merci infiniment pour cet hommage non seulement à Jean-Charles mais aussi au poète qui prit son manteau d’étoiles le 4 octobre 1992, un triste dimanche marqué par une catastrophe aérienne qui avait presque totalement relégué la nouvelle aux oubliettes de l’info. Même mort anonyme dans ce grand Paris tout vide pour l’homme qui, jusqu’à ce que la tête pleine d’eau à laquelle nous pensons l’empêchat de continuer à le faire, rendit hommage au grand Jacques en diffusant l’un de ces titres chaque lundi matin à 04:03 parce que monsieur Brel avait quitté ce monde un triste lundi de 1978 à 04:03 du matin. On n’oubliera pas non plus « l’affrontement titanesque et rouge sang dans le petit matin glacé », qui n’était en réalité que le nom amusant d’un inoffensif petit jeu radiophonique de fin de nuit… ni non plus, surtout, les inévitables enquêtes du commissaire Joubert qui, rassemblées en quelques beaux livres, représentent à elles toutes un joli moment de littérature policière. Un grand monsieur de la radio dont j’ai effectivement appris par le plus grand des hasards qu’il était parti il y a si longtemps déjà…

    1. Comment ai-je fait pour oublier le Brel de 4h03. En effet, comme le dit Isabelle, Jacques Brel étant mort un lundi matin à 4h03 Jean-Charles ne manquait jamais de diffuser une chanson du maître. C’était cela aussi la sensibilité d’Aschero. Qui se souvient même de l’existence de Brel à la radio publique aujourd’hui? Adieu finesse.

      JF

  2. C’est beau de savoir qu’il y a des personnes qui ont apprécié ce grand Homme de la radio. Pour ma part j’étais étudiant lorsque en fin de week-end j’écoutais religieusement Jean-Charles dans mon lit avec mes écouteurs pour ne gêner personne. Je dispose d’une vingtaine d’enregistrement des « Chose de la nuit » surtout la première heure. Il faudrait que je fasse les conversion en mp3 et voir comment les mettre à disposition.
    NG

    1. Merci Nicolas de votre commentaire. Soyez certain que des enregistrements des « choses de la nuit » seront très enrichissants pour ceux qui ont quelque chose entre les oreilles.

  3. Comme je suis émue d’apprendre son décès par hasard, quatre ans après. J’adorais son émission. J’ai participé à son émission « quel est votre prénom ?  » le 1er mai 1988 et mon passage m’a fait prendre ma vie en main (je m’enlisais dans une voie sans issue par mimétisme familial). Je lui dois beaucoup dans ce premier sursaut. Si quelqu’un a l’enregistrement du 1er mai 88 ou d’autres d’ailleurs, je suis très intéressée.

    1. Merci Yasmina de votre commentaire qui en aura ému plus d’un sur ce blog.
      Même si Jean-charmes était aux antipodes des idées défendues sur ce blog, il était un homme de radio exceptionnel. Il était de ce temps où on savait se respecter les uns et les autres. D’une créativité remarquable, il manque beaucoup. C’est pourquoi je relaye avec ferveur votre appel à trouver les enregistrements et, en particulier, l’enregistrement du 1er mai 1988. Même si j’en ai un vague souvenir, je suis certain d’avoir été à l’écoute cette nuit-là.
      Merci encore.
      JF

  4. Bonsoir,
    Ravie de lire votre hommage à ce fantastique homme de radio.
    Jusqu’il y a encore quelques mois, il y avait sur youtube 5 émissions « quel est votre prénom », que j’adorais écouter plusieurs fois. J’aimais l’esprit, l’intonation, la bienveillance, l’écoute, l’intelligence, la finesse des échanges, caractéristiques de ces émissions nocturnes de ma jeunesse. J’aimais entendre les parcours très interessants parfois bordeline de ces femmes et avais été marquée par l’une d’entre se faisait appeler « Laura ». En cherchant ce soir à les réécouter, je m’aperçois qu’elles ont toutes disparu de youtube… Quel dommage. Si grace à votre blog on pouvait retrouver « les choses de la nuit » de Jean-Charles Aschero, ce serait génial. Bises

    1. Merci Nadia de votre chaleureux commentaire.
      J’ai fait cet article comme on jette une bouteille à la mer. Je mes-souviens de l’émission « quel est votre prénom » de Laura qui m’avait beaucoup décontenancé. Il n’est pas normal que l’INA garde ces émissions qui sont des trésors en ne les mettant pas à la disposition du public. C’est à mon sens du vol de patrimoine. Je ne peux que relayer votre appel. Merci encore d’être intervenue. Je vous embrasse!
      JF

  5. Cher Jacques Frantz,
    Je découvre, en surfant sur la neige de mon ordinateur, votre vibrant hommage à Jean-Charles Aschero. Pas un seul mot, pas une seule virgule étrangers à mon ressenti. Jean-Charles Aschero, écouté religieusement au fond de mon lit, a eu un énorme impact sur moi…
    Je mesure le privilège que j’ai eu de correspondre avec lui jusqu’à ses derniers jours. Auteur d’un livre sur Jacques Brel, dans lequel je le fais apparaître, (et qu’il avait apprécié), nous avons échangé, alors qu’il avait été honteusement « remercié » sur France Inter…
    Comme vous, je déplore le vide abyssal autour de sa disparition, mais je constate que sa postérité est entretenue par de nombreux fidèles.
    C’est son fils Sébastien, verrier à Paris, qui m’a annoncé son décès (Jean-Charles souffrait d’un cancer du foie). Longtemps, l’absence de la date de sa mort sur sa notice « Wikipédia » se singularisait par un clin d’œil à la Camarde qu’il a dû apprécier.
    France Inter ferait bien de redécouvrir le patrimoine intellectuel légué par Jean-Charles…
    Bien à vous.
    Joël Fauré

    1. Grand merci de ce témoignage et pardon d’avoir pris autant de temps avant de répondre à votre commentaire que je trouve précieux.
      Je trouve moi aussi que la radio et la télévision publique fait bien peu de cas de son patrimoine et surtout, le confisque honteusement. Je déplore de ne pas avoir un accès libre aux émissions (les choses de la nuit et d’autres), qui appartiennent au public sans restriction. J’aurais en effet aimé trouver des émissions « quel est votre prénom » et « post scriptum » qui sont de très précieux moments de radio. Peut-être un jour!
      Merci encore.
      JF

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