GRAND REMANIEMENT, MAIS EN RUSSIE

GRAND REMANIEMENT, MAIS EN RUSSIE

Je suis quelque peu surpris que, sans passer inaperçu dans la presse internationale, la démission du Premier Ministre Russe Dmitri Medvedev et de son gouvernement, ait fait aussi peu de bruit. Il s’agit pourtant, ce me semble, d’un vrai tournant dans l’évolution du pouvoir russe.

Une fois de plus, on mesure l’incompétence de la presse française, mais aussi occidentale. Je suis étonné de la discrétion de ladite presse quand on sait le barouf dont elle est capable quinze jours avant et après un remaniement insignifiant décidé par le Président de la République en France. En outre, on est forcé de constater que les remaniements qui tiennent en haleine nos petits journalistes supplétifs du Pouvoir, ne sont que de vulgaires jeux de chaises musicales. En Russie en revanche, on a le chic pour nous sortir de vrais inconnus, tout au moins sur le plan international.

C’est ainsi que la BBC publiait un communiqué hier expliquant que le nouveau chef du gouvernement russe était un illustre inconnu chargé de jouer le rôle de marionnette dont Poutine tirerait les ficelles. Qu’en sait-on à ce stade?

Il va de soi que Poutine devait faire un geste vis-à-vis d’une opinion publique qui commençait à s’agiter contre Medvedev. Or même si Medvedev était là pour prendre les coups en bouclier du Président, Poutine est trop intelligent pour savoir que ces choses ne durent pas.

C’est donc sur un ton à la fois patriotique et social (grandes cérémonies pour le 75e anniversaire de la victoire de 1945 et cantines scolaires gratuites), que le Président s’est adressé au Parlement avant de remplacer son premier ministre par un haut fonctionnaire du fisc.

Cependant, même si la presse russe voit déjà en Mikhaïl Mistouchine un successeur potentiel à un Président qui aura exercé le pouvoir d’une façon ou d’une autre pendant près d’un quart de siècle, je ne crois pas qu’il faille aller aussi vite en besogne, de surcroît dans un pays où le pouvoir se transmet de manière aussi compliquée. Le journaliste, qui est comme ce météorologue qui prévoit le temps qu’il va faire avant-hier, a toujours un coup de retard. En 1999, le Président Boris Eltsine nommait Premier Ministre un illustre inconnu pour, disait-on, se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible malgré l’alcool et la maladie. On connaît la suite.

Jacques Frantz

4 commentaires

  1. L’amour rend aveugle et idiot, même avec du style. : pour devenir démocrate Macron devrait faire assassinner ses opposants, politiques ou journalistes.
    Le grand amoureux va avoir du mal à choisir :
    Commémorations de la libération d’Auschwitz : la bataille des mémoires entre Russie et Pologne

    Par Romain Su, Varsovie, correspondance, Benoît Vitkine, Moscou, correspondant
    Le monde 22/01/2020
    A Moscou comme à Varsovie, les dirigeants instrumentalisent l’histoire de la seconde guerre mondiale à des fins nationalistes.

    La célébration du 75e anniversaire de la libération du camp d’extermination nazi d’Auschwitz en Pologne aurait dû faire l’unanimité dans le recueillement et l’unité. Organisée jeudi 23 janvier par le Mémorial de Yad Vashem, en Israël, elle vire à la foire d’empoigne entre deux Etats dont les dirigeants ont fait de la lecture nationaliste de l’histoire une arme politique.

    Le premier d’entre eux, Vladimir Poutine, engagé dans une croisade visant à réécrire le rôle de l’Union soviétique dans la guerre, va-t-il profiter de la tribune offerte par Israël pour tenir de nouveaux propos polémiques ? Le second, Andrzej Duda, sera absent ; le président polonais, qui n’a pas été désigné comme orateur, contrairement à son homologue russe, boude les cérémonies en signe de protestation.

    Quatre jours plus tard, à Auschwitz, où plus d’un million de personnes ont été exterminées, la configuration sera inverse pour les traditionnelles commémorations de la libération du camp. Mais M. Poutine n’a pas été invité.

    La bataille est politique plus que mémorielle. Le retrait polonais des célébrations de Jérusalem a été ressenti à Moscou comme une victoire. Il suffit pour s’en convaincre de lire la note rédigée sur le sujet par l’Institut russe pour les études stratégiques, un think tank lié au Kremlin. Dans un texte intitulé « La Pologne a perdu la dispute mémorielle avec la Russie », l’auteure assure que « Moscou a lancé dès décembre [2019] une frappe préventive dans ce conflit lancé par Varsovie ».

    En réalité, la stratégie de Moscou relève plus du tapis de bombes, tant le thème de la seconde guerre mondiale a mobilisé ces dernières semaines les responsables russes. A commencer par le premier d’entre eux, Vladimir Poutine, qui promettait encore, samedi 18 janvier, de « fermer leurs sales bouches à ceux qui essaient de tordre l’histoire ».

    Monologue de Poutine

    Le président russe a multiplié les interventions publiques visant, en premier lieu, à relativiser la portée du pacte Ribbentrop-Molotov de 1939, dont le protocole secret entérinait le partage de l’Europe orientale entre Berlin et Moscou, en le mettant sur le même plan que d’autres accords passés par l’Allemagne nazie, à commencer par les accords de Munich de 1938 entre la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie. Cette obsession n’est pas nouvelle, et une loi de 2014 a même permis de poursuivre des internautes qui avaient critiqué le pacte.

    L’essentiel du discours de M. Poutine a surtout consisté à dénoncer le rôle supposé de la Pologne dans le déclenchement de la guerre. Le 20 décembre 2019, lors d’une rencontre avec ses homologues de la région, le président russe a tenu un monologue d’une heure pour rappeler que Varsovie avait participé au « dépeçage » de la Tchécoslovaquie et y avait conduit des « attaques terroristes ».

    Quelques jours plus tard, il qualifiait l’ambassadeur polonais dans le Berlin d’avant-guerre de « cochon antisémite » pour avoir exprimé son soutien à une proposition de relocalisation des juifs d’Europe en Afrique. Jozef Lipski est connu pour avoir aidé des juifs à fuir l’Allemagne. « Ce qui pose problème, c’est l’interprétation et le choix des documents retenus », explique l’historien Sergueï Radtchenko, de l’université de Cardiff.

    Varsovie a d’abord été pris de court, et ce n’est que neuf jours plus tard que la réponse du premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, traduite pour l’occasion en anglais et en russe, a été publiée. En y insistant sur la place singulière de la Pologne comme « première victime de la guerre », « premier pays à avoir vécu l’agression armée de l’Allemagne hitlérienne et de la Russie soviétique » et « premier Etat à se battre en défense de l’Europe libre », il a rappelé deux piliers du discours historique polonais sur la seconde guerre mondiale : d’un côté, l’équivalence entre nazisme et communisme et, de l’autre, le rejet de tout autre rôle, pour les Polonais, que celui de victime ou de héros.

    Politisation du récit historique

    Cette vision promue par la droite au pouvoir, qui n’est pas exempte de considérations politiques, revient à minorer la portée des crimes commis contre les juifs et l’attitude de certains civils ou groupes armés à l’égard des juifs.

    Vendredi 17 janvier, le ministère russe de la défense publiait une nouvelle série de documents « déclassifiés » évoquant le soutien apporté par les troupes soviétiques à l’insurrection de Varsovie, en 1944, à rebours de la lecture historique voulant que l’Armée rouge a laissé la résistance polonaise se faire exterminer avant d’intervenir. Il y est aussi question de « l’élimination [par la Résistance polonaise] des Ukrainiens et des juifs encore présents dans la ville » et de l’aide « désintéressée » apportée à la Pologne d’après-guerre.

    « LA LÉGITIMITÉ DU POUVOIR RUSSE, QUE CE SOIT EN INTERNE OU SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE, EST EN GRANDE PARTIE BÂTIE SUR LE RÉCIT DE LA VICTOIRE », RAPPELLE L’ANCIEN DIPLOMATE VLADIMIR FROLOV La politisation du récit historique par le pouvoir russe est tout sauf une nouveauté. Les périodes tsaristes comme soviétiques sont lues uniquement au prisme de la grandeur nationale ou de l’opposition à l’Occident. La Grande Guerre patriotique, comme les Russes appellent la seconde guerre mondiale, fait ici figure d’étalon suprême.

    Leader du « camp du bien », auquel l’Union soviétique a sacrifié 27 millions de ses citoyens, Moscou ne peut par principe avoir fauté. La période des répressions staliniennes fait depuis quelques années l’objet d’une réécriture et d’une atténuation. Une organisation comme Memorial, spécialisée dans l’étude de ce passé, est désignée comme ennemie et assommée d’amendes par les tribunaux.

    Montée des tensions

    Cette nouvelle montée de tensions ne s’explique pas seulement par la mise en concurrence de deux récits visant à effacer toute lecture critique de l’histoire.

    Côté russe, l’adoption par le Parlement européen, en septembre 2019, d’une résolution sur la « mémoire européenne », qui mettait sur un pied d’égalité communisme et nazisme, a incontestablement joué un rôle, quand bien même cette résolution a elle-même été motivée par la nervosité suscitée, à Varsovie et dans les Etats baltes, par le révisionnisme russe au sujet du goulag ou du massacre des officiers polonais de Katyn. A la veille d’une année de commémorations (le 75e anniversaire de la victoire doit être célébré en 2020), M. Poutine y a en tout cas vu une insulte… et un danger.

    « La légitimité du pouvoir russe, que ce soit en interne ou sur la scène internationale, est en grande partie bâtie sur le récit de la victoire et les gains géopolitiques de l’après-guerre, rappelle Vladimir Frolov, ancien diplomate et analyste. Vladimir Poutine se souvient de l’erreur commise par Mikhaïl Gorbatchev lorsque celui-ci a ouvert la discussion sur les crimes de Staline et son alliance avec Adolf Hitler, contribuant à saper la légitimité soviétique dans le pays et en Europe orientale. »

    Andreï Kolesnikov, du centre Carnegie, ajoute à cela une nuance : « La Pologne a l’audace de revendiquer son rôle d’acteur indépendant et sa souveraineté, tandis que selon les représentations historiques russes, elle n’est qu’un tampon entre l’Ouest et l’Est. » De façon plus pragmatique, le chroniqueur de Bloomberg Leonid Bershidsky note aussi que la Pologne constitue une cible opportune, de par sa vulnérabilité. Non seulement Varsovie entretient une relation houleuse avec Bruxelles, mais la Pologne est aussi engagée dans d’autres conflits mémoriels, sur la seconde guerre mondiale, avec Israël.

    En 2018, l’opinion publique internationale avait ainsi été marquée par l’adoption d’une loi –retirée au bout de quelques mois – punissant de prison l’attribution à la Pologne d’une responsabilité dans la Shoah ou d’autres crimes de guerre.

    Cet épisode, comme la présence de nombreux russophones sur le sol israélien ou encore les calculs politiques du premier ministre Benyamin Nétanyahou contribue à offrir à la position russe, pourtant très similaire à celle de la Pologne dans sa construction et ses objectifs, une certaine bienveillance de l’actuel gouvernement israélien.

    1. Cher lecteur,

      Je t’invite à ne pas te laisser dominer par ta haine viscérale d’un pays où tu n’a pour ainsi dire jamais mis les pieds. S’il y a une chose dont je suis éperdument amoureux, c’est de la liberté d’expression. Et c’est au nom de cette liberté que je n’ai pas hésité une seule seconde à approuver ton commentaire. Cependant, j’appelle ton attention sur l’inutilité d’un propos liminaire assez désobligeant pour l’auteur de ces pages, propos que je préfère mettre sur le compte, comme je l’ai dit, d’une aversion mal maîtrisée.

      Mais, puisque tu m’en donnes l’occasion, j’aimerais préciser s’il est besoin l’appréciation que je porte sur le pouvoir russe. Il faut savoir que si l’exercice du pouvoir est compliqué d’une manière générale, il l’est d’autant plus en Russie. Cet immense pays, auquel je le confesse sans honte, je suis très attaché et dans lequel je me rends régulièrement depuis 35 ans, a subi des tribulations auxquelles peu de nations auraient résisté.

      Dans ce contexte, et quand on accepte d’avoir une vision plus globale des événements, on ne peut considérer la période actuelle qui tend à un certain apaisement que comme un progrès. Ce progrès ne peut être évalué comme tel qu’à la lumière du passé et de l’Histoire de ce grand pays. Cela ne signifie pas une expression de satisfecit d’un régime qui se passe très bien de mon approbation.

      Il m’arrive très souvent de fréquenter en Russie des opposants. Des gens, qui très librement expriment leur désapprobation du régime et des dirigeants. Je ne manque jamais de leur faire observer que sous les régimes antérieurs, y compris pendant la pérestroïka, jamais ils ne se seraient permis de tels propos surtout en présence d’un étranger. Même les plus farouches opposants conviennent qu’il s’agit d’un progrès.

      Il convient de noter au risque de te faire un peu tousser cher lecteur que le régime actuellement en place en Russie est issue d’élections aussi libres et démocratiques que les nôtres. Je te renvoie aux divers articles que j’ai écrit dans ces pages sur les élections chez nous. Et ce n’est pas parce que celui pour qui tu as voté a été élu qu’il est légitime. La rue, et c’est fort regrettable, est là pour le lui rappeler très régulièrement. Quand un Président ne peut plus sortir au théâtre sans se chier dessus et sans embastiller un journaliste qui lui a déplu il n’y a pas de quoi pavoiser. Je ne suis pas certain que le commis de l’État policier que tu fus a beaucoup de leçons à donner sur l’exercice des libertés individuelles. Or qu’il y ait eu bavures et règlements de comptes entre oligarques en Russie c’est indiscutable. Mais quand on a eu Defferre, Joxe, Pasqua ou Castaner pour diriger la police, on a tout intérêt à rester humble et modeste. La Russie a beaucoup de progrès à faire sur le plan des libertés démocratiques, mais pour grimper au mât de cocagne, encore faudrait-il avoir le fondement propre.

      Quand à l’Article du Monde reproduit presque in extenso, je ne le commenterai pas sur le fond pour trois raisons:
      Il est hors du sujet traité par l’article de ce blog, il est tendancieux et comporte nombre d’inexactitudes, et, d’une manière générale, je m’abstiens de tout commentaire sur la seconde guerre mondiale. Je réviserai cette dernière posture le jour où les lois mémorielles seront abrogées, c’est-à-dire le jour où les petits juges rouges du syndicat de la magistrature diront le Droit et non l’Histoire. Enfin, je trouve que la production de cet article mal à propos confirme une désagréable impression de suffisance déjà exprimée dans le propos liminaire auquel j’ai fait référence au début de mon commentaire.

      Je ne peux toutefois m’empêcher une réflexion sur la question de Katyne. Le massacre on le sait aujourd’hui est imputable aux Soviétiques et non aux Allemands comme on a voulu nous le faire croire pendant plus de quatre décennies. Or comme chacun sait, le massacre de Katyne constitue le premier chef d’inculpation qui a justifié la formation du Tribunal de Nuremberg. C’est embêtant lorsqu’on sait que ce sont les conclusions dudit tribunal qui servent de socle aux lois mémorielles Fabius Gayssot si funestes pour nos libertés. Je pose donc la question suivante: faut-il avoir tort avec le communiste gayssot et respecter la loi ou avoir raison avec l’Histoire et enfreindre la loi? Voilà pourquoi je ne m’aventure qu’avec prudence sur ce terrain miné. Et là, nous sommes en France. Pas en Russie.

      En conclusion, même si je regarde avec une certaine bienveillance les progrès de la Russie contemporaine, je suis parfaitement conscient du fait que le chemin de la liberté et de la démocratie est parfois long et tortueux. Cependant, pour y parvenir, la Russie a choisi le chemin de l’enracinement et de l’amour de sa culture millénaire et j’ai la certitude que c’est la clé du succès.

  2. Sans compter que, quand on a dit « Le Monde », on a tout dit ! Par excellence l’organe de la bien-pensance officielle, belle référence n’est-ce pas ?

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